Penser, nous devons

3/21/2017 Alice 0 Comments




Il y a de ça un peu plus de quinze jours, j'ai participé avec une amie très chère à une conférence sur Virginia Woolf et le féminisme, et, plus précisément sur son livre "Trois guinées". Conférence qui m'a amené a beaucoup, beaucoup, beaucoup réfléchir sur une des phrases phare de ce roman : "Think, we must." (Penser, nous devons)
Le "nous" désignant les femmes.

Ma toute première pensée est allée vers les réseaux sociaux qui incitent à réagir en instantané à une information dont nous avons pris connaissance deux minutes plus tôt. Or ce que Virginia Woolf "conseille" aux femmes, c'est tout simplement d'éviter les réactions à chaud, en cela qu'elles sont le plus souvent teintées de notre culture "masculine". Ainsi, elle expose une situation où une association/un organisme fait appel à sa générosité pour faire un don pour soutenir les efforts de paix dans le monde. Sa première réaction étant de se dire : "Bien évidemment, je suis pour la paix dans le monde, je vais payer la guinée que l'on me demande." Et puis, après avoir réfléchi à ce à quoi menait ce soutien, elle a décidé de refuser. Pourquoi ?
Parce qu'elle estime que la façon de défendre la paix dans le monde de l'association n'est pas la façon dont elle s'y prendrait en tant que femme. Pour elle, cette façon de défendre la paix dans le monde découle d'une pensée et d'une société patriarcale qu'elle rejette en bloc. D'où le "Think, we must".

Et c'est donc avec une logique plutôt basique que j'ai cherché à réfléchir à ma façon de réagir aux informations auxquelles je suis exposée. Est-ce que ma première réaction ne sera pas préfabriquée par tous les mécanismes "patriarcaux" dont je suis pétrie puisque j'ai été élevée dans une société comme telle ? Et quand bien même ces mécanismes ne seraient pas "patriarcaux", est-ce qu'il ne me serait pas bénéfique de prendre le temps de réfléchir tout simplement ?
D'autant plus que je ne suis pas spécialement la première personne que l'on écouterait dans un groupe social. Donc, autant que je prenne le temps de bien réfléchir pour livrer une pensée qui me sera plus personnelle.Au moins, même si l'on ne m'écoute pas prioritairement j'aurais vraiment livré une pensée qui émanera de moi, en tant qu'être humain, femme et apprentie auteur.
Ce qui me laisse à penser que les réseaux sociaux sont, très étrangement, des vecteurs de clichés et de pensées non personnelles, car non réfléchie. L'immédiateté amène, selon moi, à aller chercher de quoi penser dans nos ressources les plus anciennes.

Bon, c'est une vision très personnelle, je ne me l'applique qu'à moi-même et je ne tiens pas, bien évidemment, à donner de leçon sur la façon de réagir à un article, une image, un commentaire, etc.

Là où, par contre, ma réflexion m'a étonné, c'est qu'elle m'a amené à réfléchir à mon rapport à l'écriture. Cela m'a aidé à identifier plus précisément ce que j'aimais lire et écrire.
Je l'ai déjà exprimé, je suis une architecte par obligation. Mon imagination est bien trop désordonnée pour que je puisse me permettre de me lancer dans un projet sans un minimum de travail préalable.
Toutefois, je ne l'ai jamais considéré comme un fardeau. Sauf quand on me disait "Pour toi c'est simple d'écrire, tu as des facilités" alors que j'avais travaillé trois mois sur un pan de mon histoire. Je pourrais d'ailleurs comparer ça à l'énervement qui peut me saisir quand en tant que femme mon savoir et ma réflexion est réduite à la fameuse "intuition féminine" alors qu'elle découle d'un travail réel. Ou quand en tant qu'auteur SFFF, j'entends "Quand est-ce que tu écris de la vraie littérature ?"

Ainsi, ce fameux "Think, we must" m'a vraiment conforté dans le fait que je devais réfléchir avant d'écrire. Cela je l'ai notamment perçu en travaillant sur la structure d'une nouvelle que je veux intégrer à un recueil et qui évoque des thèmes qui me sont chers. En prenant le temps de bien me concentrer sur ses thématiques et d'y réfléchir avant d'écrire quoi que ce soit, j'ai pu réellement prendre le temps de respecter les thèmes que je voulais défendre. J'ai pu écarter les "travers" qui correspondaient à ma thématique, mais devenaient (pour moi) trop proches de ma réalité. Mais aussi supprimer les lieux communs qui se précipitaient tous pour prendre place dans l'histoire que je voulais écrire.

Et d'ailleurs, en étudiant d'un peu plus près les textes qui m'avaient déçue, je me suis vite rendu compte qu'une des raisons principales était que j'y rencontrais ce que j'appellerais de la pensée générique ou automatique. De même, mes textes favoris sont ceux qui transpirent de la pensée de leurs auteurs. Ceux où je retrouve un certain voile de pudeur et à la fois une grande sincérité. Deux marqueurs qui selon moi sont des indices assez frappants du fait que l'auteur a mûri son histoire pour qu'elle défende sa pensée personnelle et rien que ça.

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