M'en fous, j'irai pas !

7/03/2014 Alice 5 Comments

Décidément, en ce moment je réfléchis beaucoup sur mon rapport à l'écriture et sur tout un tas de choses qui me servent à construire mes récits.
Aujourd'hui, je vais vous parler d'une "théorie" plutôt très simpliste mais qui trouve des applications dans ma façon de gérer ses personnages.


Ainsi, donc : le chemin de moindre résistance.
Il s'agit d'une vision un brin philosophique qui voudrait que l'homme emprunte toujours le chemin de moindre résistance. Alors dis comme ça, on dirait bien que je suis en train de vous traiter de grosse feignasse. Mais en fait, non. Ou pas tout à fait.


Un chemin de moindre résistance peut se définir par le choix que l'on fait de faire du sport plutôt que d'avoir à affronter les regards des autres sur nos bourrelets. Mais il peut-être aussi le choix, selon les individus, d'affronter le regard des autres sur ses bourrelets plutôt que de faire du sport.

Quoique nous sommes bien d'accord, le sport n'est pas la solution à tous les bourrelets. Il s'agit là d'un exemple très basique pour imager cette théorie.


Ainsi, il est ici question des choix personnels que l'on fait afin d'avancer dans la vie. Et là où la magie de l'écriture intervient, c'est que cette théorie est, selon moi, applicable à nos personnages ; et peut d'ailleurs servir de "guide" (le mot est un peu fort) pour éviter de se planter en beauté.
Je vais donc d'abord parler du problème que ce chemin de moindre résistance peut induire au cours de l'écriture.

Imaginons, un auteur type en train d'écrire. Celui-ci tape sur son clavier frénétiquement, la scène-clef arrive, son chevalier va enfin avoir un choix crucial à faire. Le tournant de l'histoire est à portée de sec, c'est génial ! 
Mais voilà, l'auteur compte bien faire affronter un dragon à son chevalier. Il se trouve que le chevalier est un vieux de la vieille, il a eu son lot de compagnons à enterrer suite à nombre de rencontres contre des créatures toutes plus bad-ass que les autres et en plus il n'est pas du genre à tendre l'autre joue quand quelqu'un le frappe.


Voilà notre chevalier devant deux panonceaux de bois gravés au feu. L'un le dirige vers le château de Dragonosor et l'autre vers le marais du Sage.
L'auteur frémit, il engage son chevalier sur le chemin du château et là... c'est le drame. Son personnage s'arrête pour contempler le paysage, se pose mille et une questions sur le métier de chevalier et rallonge le moment fatidique où il arrivera au château.
L'auteur interloqué écrit et réécrit la scène.

"Du courage, que diable ! Tu dois affronter ce dragon !"

Et le chevalier de lui répondre par un joli bras d'honneur ponctué d'un :

"M'en fous, j'irai pas !"

C'est là que deux points de vue s'affronte : celui de l'auteur qui veut avancer dans son intrigue parce que pour lui le chemin de moindre résistance consiste à finir son putain de récit comme il l'entend. Et celui du chevalier, créé par l'auteur, caractérisé de telle sorte que jamais, Ô grand jamais, il n'ira finir sa vie entre les crocs d'un dragon. (Faut pas déconner, tous ses potes sont morts comme ça !)

Vous me voyez venir avec mes grands sabots ?



On y est donc. Voilà, la raison principale pour laquelle, selon moi, il est préférable de caractériser ses personnages de telle façon que leurs choix soient pour eux le chemin de moindre résistance.
Je ne dis pas qu'il faut en en faire des mary sue, pas du tout ! 

Il s'agit simplement d'être au courant que les choix des personnages leur appartiennent. 

Et comme il se trouve que l'on est quand même à l'origine de ses personnages, ses choix se définissent par le travail que l'on fera sur leur caractérisation morale/mentale/physique. Par contre, si l'on impose son propre chemin de moindre résistance à ses personnages, c'est là que ça risque de bloquer.

Pour l'exemple du chevalier, il me semble plus simple de travailler sur sa caractérisation. Et surtout, plus viable pour le récit.

Parce que c'est là que le bât blesse : quand on impose quelque chose de contre-nature à son personnage, on se retrouve souvent avec des remarques de bêta-lecture du genre : 

"Je ne trouve pas l'attitude de ton personnage très cohérente, c'est un chevalier bourru et il étudie le paysage jusqu'à la moindre petite fleur ?"

Remarque qui ne tient pas réellement au fait que le chevalier puisse s'émouvoir d'une pâquerette, mais plus au fait qu'il a été forcé sur un chemin qui ne lui appartient pas.

Personnellement, c'est en bloquant sur une de mes scènes que j'ai compris cela. En gros, je faisais s'affronter deux volontés. La mienne (celle de l'auteur qui veut en finir) et celle du personnage. J'ai détesté ce personnage, j'ai failli le rayer de mon récit puis j'ai fait une pause et je l'ai réétudié tel que je l'avais créé.

Pourquoi ne voulait-il pas tuer quelqu'un alors que dans mon scenario tout allait dans ce sens ? Qu'avais-je fait de mal ? Peut-être devais-je revoir mon récit dans sa totalité ? Ou même l'abandonner ?
Surtout que je ne comprenais pas les remarques sur son manque de cohérence, tous les éléments étaient là pour que tout se passe comme je l'avais planifié.

Sauf que j'avais oublié que j'avais caractérisé mon personnage de telle façon à ce que, pour lui, le chemin de moindre résistance soit de laisser la vie à son ennemi.





  

5 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

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  2. Je refais mon commentaire parce que je n'avais pas vu la dernière partie de ton article - du coup j'étais un peu à côté de la plaque.
    J'aime bien ta réflexion sur le chemin de moindre résistance. J'ai pris quelques notes, je crois que ça va me servir :D
    C'est parfois compliqué, parce qu'on part sur un personnage qui nous plait, et à qui on va faire vivre une histoire qui nous plait. Mais il arrive que les deux ne collent pas ensemble :/
    Du coup, ton problème est résolu ? Le chevalier a levé son préavis de grève ?

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  3. Ce n'était pas un chevalier mais, oui c'est résolu !

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  4. Je trouve ça très positif, cette histoire du chevalier qui refuse de tuer le dragon : ça signifie que ton personnage est bien caractérisé, et qu’il n’est pas archétypal. D’ailleurs, dans « Game of Thrones » George Martin prend un malin plaisir à rendre ses personnages imprévisibles, je trouve ça profondément sain (même si ça complique ton histoire, on est d’accord !).

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  5. Oui c'est sûr que dans ce cas-là, on peut se dire : "Chouette ! Un personnage bien caractérisé !" Mais si le but de l'auteur est réellement d'écrire un combat épique entre un dragon et un chevalier, le but est "raté". Après, est-ce que l'on doit écouter son personnage plutôt que soi ? Je pense que c'est une autre question.
    Ma réflexion allait surtout dans le sens que si on se retrouve avec des remarques sur un manque de cohérence de l'attitude d'un personnage, cela n'est pas forcement un souci d'écriture dans le feu de l'action mais bien souvent un souci de caractérisation qui fait que notre personnage agit de façon totalement incohérente alors qu'on pense lui avoir donné tous les outils pour que celui-ci se confronte aux épreuves qu'on lui fait subir.

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